Hora fugit - Un peu de Paris
Nous partons du boulevard Saint-Germain pour rejoindre la rue de Seine. Puis nous continuons jusqu'au Louvre par le pont des Arts.
La rue de Seine longe le tracé imaginaire du méridien. Tous les médaillons Arago ont disparu; quelquefois seule subsiste une trace circulaire sur le trottoir.
Si l'absence de médaillon est décevante, la balade permet de refaire en partie la promenade autour de l'Odéon dans sa partie rue de Seine.
Nous y repassons avec plaisir, car la rue est attrayante avec ses immeubles à l’architecture classique, ses multiples galeries et magasins. Pour le flâneur, elle offre des recoins surprenants comme les curieux croisements de la rue avec celle de l’Echaudé et plus loin avec la rue Mazarine.
Ce coin rue de Seine et de l’Echaudé est un classique pour ceux qui s’intéressent aux photos d’Atget, qui l’a photographié à plusieurs reprises. Celle de 1924 est plus sombre et plus contrastée que celle prise en 1911, la lumière du petit matin jette un éclairage un peu glauque sur les caniveaux luisants et les affiches déchirées ; la prise de vue plus en oblique insiste sur l’étroitesse de l’immeuble et donne un aspect plus saisissant à la scène digne d’un film noir.
Coin des rues de Seine et de l’Echaudé
Atget - 1911
(Musée Carnavalet)
Un coin, à gauche la rue de Seine,
à droite, la rue de l’Echaudé
Atget – 1924 - (Musée Carnavalet)
Nous arrivons maintenant au niveau d’un petit square coincé dans la boucle que forme ici la rue Mazarine lorsqu’elle rejoint la rue de Seine. Je ne sais pourquoi, je suis toujours un peu déconcertée par l’aspect de la rue qui semble s’élargir ici, puis se rétrécir lorsqu’elle sinue le long de l’Institut pour s’évaser de nouveau le long d’un curieux petit îlot de verdure coincé entre plusieurs immeubles.
Prenons l’étroit passage à droite qui nous permet d’arriver directement sur la place de l’Institut, avec devant soi le décor imposant du fleuve et du Louvre. Ce passage me donne toujours la sensation d’emprunter une coulisse débouchant sur l’immense scène d’un théâtre en plein air.
C’est à l’emplacement de la tour de Nesle, lieu d’orgies sanglantes selon de tenaces légendes que l’institut fut édifié selon le désir de Mazarin.
Les gravures de Jacques Callot et d’Israël Sylvestre montrent les deux mêmes vues à trente ans d’écart.
Ce que l’on remarque sur la gravure de Jacques Callot, réalisée en 1630, c’est essentiellement la tour de Nesle, vestige de l’enceinte de Philippe Auguste, avec à l’arrière l’hôtel de Nesle, où Henriette de Nevers aurait conservé dans une armoire la tête de son amant Coconas décapité en 1574.
Sur la deuxième gravure, où l’on reconnait le Pont-Neuf et la place Dauphine, la tour est en cours de démolition et le Collège des Quatre-Nations qui deviendra plus tard l’institut est en construction.
Mazarin avait légué une partie de son immense fortune à Louis XIV pour l’édification d’un collège destiné à de jeunes nobles nés sur les territoires cédés par quatre nations: Allemagne pour l'Alsace, Espagne pour le Rousillon et la Cerdagne, Flandre pour l'Artois et Italie pour Pignerol.
Les cinq académies dont la plus connue est l’Académie Française, siégeaient alors au Louvre. Napoléon décidant d’en faire un musée, les académies furent alors transférées dans l’ancien collège des Quatre-Nations, devenant ainsi l'Institut de France. La chapelle devint alors salle de séance pour les académiciens dont le célèbre habit vert a été dessiné à cette époque sous le Consulat.
Depuis la photo prise par Atget en 1907, très peu de changement ; la statue de la République devant le pavillon à droite est désormais quai Malaquais au débouché de la rue de Seine et les lions disposés sur les marches sont désormais installés dans un square à Boulogne Billancourt.
Traversons la rue.
En contrebas, le port des Saints-Pères passe sous le pont des Arts.
La photo prise de cet endroit par Atget montre une vue du Pont-Neuf et la pointe du Vert-Galant.
En prêtant attention, on peut aussi voir sur cette photo le barrage écluse de la Monnaie, entre l’île de la Cité et la rive gauche. Construit en 1853, il permettait aux bateaux de remonter le fleuve dans ce petit bras de Seine où de nombreux remous et tourbillons perturbaient la navigation. Rendu obsolète par la motorisation des bateaux, il fut détruit en 1924.
Un coin du port des Saints-Pères
Atget – 1910/1911
(BnF)
Empruntons la passerelle des Arts, totalement reconstruite en 1982-1984, après avoir été percutée par une barge en 1979.
Parfaitement dans l’axe de la cour Carrée du Louvre et de l’Institut, elle permet d’avoir un des plus beaux points de vue de Paris.
De tous les côtés, le panorama s’étale grandiose sous une douce lumière. En un tour sur soi-même, on parcourt des yeux le Louvre, le Pont-Neuf, l’île de la Cité, les tours de Notre-Dame, la Monnaie, l’Institut et sa coupole dorée, le musée d’Orsay, la Tour Eiffel … tous ces monuments qui jalonnent une autre promenade le long de la Seine.
Puis on pose les coudes sur le parapet, on se laisse bercer à regarder l’eau et les péniches, les rives bordées de peupliers, les ponts et les monuments bâtis dans la même pierre extraite autrefois du sous-sol de Paris, on s’amollit doucement sous la tendre lumière tombant sur ce musée à ciel ouvert.
Continuons … nous arrivons rive droite, avec en contrebas le quai du port du Louvre.
« Et le pont des Arts établissait un second plan, très haut sur ses charpentes de fer, d'une légèreté de dentelle noire, animé du perpétuel va-et-vient des piétons, une chevauchée de fourmis, sur la mince ligne de son tablier. En dessous, la Seine continuait, au loin ; on voyait les vieilles arches du Pont-Neuf, bruni de la rouille des pierres ; une trouée s'ouvrait à gauche, jusqu'à l'île Saint-Louis, une fuite de miroir d'un raccourci aveuglant ; et l'autre bras tournait court, l'écluse de la Monnaie semblait boucher la vue de sa barre d'écume. »
Emile Zola – L’œuvre.
Avant de longer le Louvre, demeure des rois de France avant de devenir le musée le plus visité au monde, il faut prendre le temps d’entrer dans la Cour Carrée, où s’élevait autrefois le donjon de l’ancien Louvre médiéval dont on peut voir les vestiges au sous-sol du musée.
Les façades de la cour Carrée que domine l’imposant pavillon de l’Horloge, est de différentes époques : Louis XIII pour le pavillon de l’Horloge, époque Renaissance pour l’aile Lescot à gauche du pavillon et enfin Louis XIV pour les façades côté rue de Rivoli et Saint-Germain l’Auxerrois.
Les différents rois sont d’ailleurs représentés par leurs monogrammes gravés dans la pierre: H pour Henri II. Le H et C entremêlés pour Henri II et Catherine de Médicis (et non un D comme on pourrait être tenté de lire). K pour Charles IX. L pour Louis XIII avec le A pour Anne d’Autriche. L aussi pour Louis XIV mais surmonté de LB pour Louis de Bourbon.
Sortons de la cour Carrée et longeons maintenant le jardin de l’Infante dont le nom rappelle le court séjour au Louvre que fit la jeune infante espagnole promise à son cousin Louis XV. L’Infante, alors âgée seulement de trois ans, logea au rez-de-chaussée dans un appartement donnant sur ce petit jardin, avant de rejoindre la cour de Versailles. Elle y resta quatre ans avant de finalement repartir en Espagne…
Nous passons maintenant devant un petit pavillon où s’avance un balcon. Selon une légende contestée par les historiens, Charles IX aurait tiré à l’arquebuse de ce balcon lors de la Saint-Barthélemy. Si effectivement il a pu être démontré que le balcon n’existait pas encore, on ne peut nier la responsabilité de Charles IX dans les évènements de la Saint-Barthélemy qui débutèrent ici au Louvre par le massacre des seigneurs huguenots rassemblés pour le mariage de la Reine Margot et du futur Henri IV. C’est environ trois mille protestants qui furent assassinés dans Paris entre le 24 et le 28 août 1572.
Passons sous les Guichets du carrousel pour entrer dans la cour Napoléon.
On oublie que l’élégante pyramide de verre de l’architecte Peï, symbole même du Louvre d’aujourd’hui fut largement contestée à ses débuts. Loin d’être incongrue, elle donne légèreté et grâce à la cour Napoléon très alourdie par les sept pavillons monumentaux qui l’encadrent.
L’architecte sino-américain Peï n’en était pas à ses premières pyramides lorsqu’il la dessina en 1989. En 1984, il avait déjà décliné ce thème pour le site IBM de Somers, un des sites les plus impressionnants que j’ai connu dans ma carrière professionnelle.
La pyramide est placée exactement sur l’axe Historique reliant la cour Carrée du Louvre, l’arc de triomphe du Carrousel, autrefois le palais des Tuileries incendié par la Commune, la Concorde, l’avenue des Champs Elysées, l’Arc de Triomphe de l’Etoile jusqu’à la Grande Arche de la Défense.
Le tracé du Méridien passe à l’angle du pavillon Daru et tangente la pyramide en direction du passage Richelieu. Un médaillon s'y trouve.
L’architecte Peï a choisi de placer une réplique de la statue du roi Soleil réalisée par le Bernin, renforçant le symbole à la fois historique et solaire du lieu. Ce qui a dû séduire le Sphinx François Mitterrand, féru d’Histoire, d’ésotérisme, de l’Egypte Antique et qui a laissé ici sa marque combinant politique, histoire et spiritualité.
Empruntons maintenant le Passage Richelieu. Un médaillon Arago y est visible en direction du Conseil d’Etat.
J’ai eu la chance de découvrir le Louvre quand j’étais enfant, par courtes visites, surtout les dimanches d’hiver. Façon idéale de découvrir par petites touches ce musée si vaste et si riche. Avec ma mère, nous parcourions les immenses salles, nous nous égarions quelquefois au prix d’une belle rencontre avec un tableau, une sculpture, un sarcophage ... On peut aussi se demander si mon grand intérêt pour le Louvre et ses antiquités égyptiennes n’était pas amplifié par le feuilleton Belphégor, série culte, comme on dirait aujourd’hui.
Entrons dans le Louvre. Nous pourrons y rechercher les médaillons Arago (Niveau 0 Aile Richelieu - Salles des sculptures françaises - Niveau 0 Aile Denon - Collections des Antiquités Romaines et Cour du Sphinx) , mais surtout les nombreux chefs d’œuvre que recèle ce beau musée !
Dernière promenade : du Palais Royal à Montmartre
Texte / Photos : Martine Combes
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