Hora fugit - Un peu de Paris
Les monuments les plus emblématiques sont bien évidemment Notre-Dame et la Sainte-Chapelle. Nous en ferons le tour avant de poursuivre la promenade sur l'une des deux rives.
Heureusement sauvegardée et désormais sécurisée depuis l'incendie qui a failli l'anéantir, sa restauration est maintenant engagée.
François Cheng, invité peu après l’incendie à la Grande Librairie, eut ces mots empreints d’une simple et profonde humanité :
« Cette cathédrale qui existe depuis 850 ans en dépit de ses charpentes en bois, n’a pas connu véritablement d’incendie. Et tout d’un coup, ce 15 avril 2019 à 18 h 30, c’est arrivé. Cette flamme qui jaillit de ses entrailles et qui monte jusqu’au ciel avec une fureur stupéfiante, l’Histoire ne l’oubliera pas. Elle retiendra cette date.
Mais à un degré plus haut, il y a cette intense émotion qui s’empare de chacun. Et chacun dans la nuit, sidéré, désespéré, sent que cette émotion est partagée par les autres, et puis par tout un peuple et puis par le monde entier. A ce moment là on est entrainé irrésistiblement dans une communion universelle… Nous ne devons jamais l’oublier.
Si vous me permettez j’ajoute une très brève remarque intime. N’oublions pas que Notre Dame, c’est une présence maternelle. L’Amour maternel nous savons ce que c’est, quelque chose de naturel, de normal : on en jouit, on en profite on en abuse souvent, mais sans trop s’en soucier. Un jour, soudain, cette présence maternelle nous est arrachée. Alors on est plongé dans une tristesse infinie, dans un regret infini. On se dit : il y a tant de choses qu’on aurait pu lui dire et on ne l’a jamais fait. On ne lui a jamais dit : “je t’aime”. Maintenant c’est trop tard. Ce sentiment de « trop tard » nous a saisi au moment où la flèche s’est transformée en torche et s’est brisée. Alors un cri d’effroi nous a saisi… Notre Dame va partir sans qu’on ait le temps de lui dire adieu. Heureusement le lendemain on a été rassuré…Elle est sauvée. Dans ce cas, ne soyons pas oublieux. Soyons pleins de gratitude et soyons fidèle à ce bien commun.”
Notre-Dame connut une importante restauration au XIXème siècle grâce à l'engagement de Victor Hugo qui écrit en 1831 dans Notre-Dame de Paris:
« Sans doute, c’est encore aujourd’hui un majestueux et sublime édifice que l’église de Notre-Dame de Paris. Mais si belle qu’elle se soit conservée en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas s’indigner devant les dégradations, les mutilations sans nombre que simultanément le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument, sans respect pour Charlemagne qui en avait posé la première pierre, pour Philippe-Auguste, qui en avait posé la dernière. »
Son roman suscita un large mouvement d’intérêt pour la cathédrale alors en fort mauvais état et contribua ainsi en grande partie à son sauvetage et à sa restauration entreprise en 1844 par Viollet-le-Duc, alors jeune et génial architecte de trente ans.
Les transformations architecturales dont s’insurge le poète sont notamment celles du XVIIIème siècle: Notamment le remplacement du maître-autel médiéval par celui commandé par Louis XIV, grandiose mais mal adapté à la construction du XIIème siècle, la destruction de vitraux du XIIIème siècle remplacés par des verres incolores en 1752 et l’agrandissement du portail central par Soufflot en 1771.
Beaucoup de ses sculptures extérieures, fortement endommagées par la dégradation du temps et prêtes à s’écrouler avaient déjà été enlevées à la veille de la Révoltion qui achèva son anéantissement. Les révolutionnaires s’en prirent particulièrement à la Galerie des Rois de Judas, les 28 ancêtres du Christ mentionnés par Saint-Mathieu, croyant y reconnaître la série des rois de France, le premier avec Philippe-Auguste. En 1977, au hasard de travaux dans la cour d'un hôtel particulier au 20, rue de la Chaussée d’Antin, 400 fragments sculptés de la galerie des rois, notamment les têtes des statues furent miraculeusement redécouvertes. On peut les admirer de nos jours au Musée Cluny. Les statues que nous voyons aujourd’hui sur la façade de Notre-Dame de Paris, comme cette grande statue de la Vierge furent redessinées par Viollet-le-Duc qui s’inspira de celles des autres cathédrales, notamment de Reims et d’Amiens.
Les portes, ainsi que celles du portail de la Vierge, sont couvertes de pentures qui ont fait l’admiration de tous depuis toujours. La perfection de ces ferrures est telle que l’imagerie populaire voulut y voir l’intervention du diable, qui d’après la légende aurait secondé le serrurier médiéval Biscornette. C’est l’artiste ferronnier Boulanger, dirigé par Viollet-le-Duc, qui réussit à garnir la porte centrale, transformée par Soufflot en 1771, de pentures à peu près semblables.
Continuons par la rue du Cloître-Notre-Dame qui longe la façade nord de l’église.
Le Portail du Cloître construit par Jean de Chelles vers 1250, permettait aux chanoines de rejoindre directement le cloître.
La rue, si peu médiévale aujourd'hui tant elle est envahie par les magasins de souvenirs est située sur l'ancien chemin qui longeait le cloître dont il ne reste rien. A l’époque c'était une véritable petite cité de maisons et de jardins fermée par un mur d’enceinte. Dans leur école qui formait prêtres et moines, des maîtres célèbres tels que Maurice de Sully et Abélard y enseignèrent. L'école périclita avec le départ d’Abélard et ferma en 1200 lorsque Philippe Auguste créa l’Université.
Au 18 de la rue, au milieu des commerces de souvenirs, on peut encore voir une ancienne maison de chanoines, seule rescapée des chantiers d’Haussmann.
Nous longeons le quai au Fleurs jusqu'au coin de la rue des Chantres et des Ursins, où s'élève une maison à l'allure toute médiévale. Si l'habit ne fait pas le moine, il en va de même avec la façade de cette maison construite en 1958. Il s'agit d'un pastiche de maison médiévale composé d’éléments architecturaux anciens de diverses origines.
Habitée autrefois par les chantres et les chanoines de Notre-Dame, tel le célèbre chanoine Fulbert, oncle sévère d’Héloïse, chez qui logea vers 1115 Pierre Abélard, maître de rhétorique et de dialectique à l’école du Cloître-Notre-Dame. On connait l'amour passionné d'Abélard et d'Héloïse qui durent s’enfuir en Bretagne où naquit leur fils Astrolabe. Revenu à Paris, Abélard ouvrit une école de philosophie sur la Montagne Sainte-Geneviève. Mais animé d’une vilaine rancœur, le vieux Fulbert, aidé de complices, vengea l’honneur de sa nièce en châtrant le pauvre Abélard. A dater de ce moment, les amants prononcèrent chacun leurs vœux en 1119, et entre eux commença une longue correspondance en latin.
A la mort d’Abélard en 1142, Héloïse fit enterrer son corps à l’abbaye du Paraclet qu’Abélard avait fondé en Champagne près de Nogent-sur-Seine et dont elle était devenue la première abbesse. Elle fut enterrée avec Abélard jusqu’en 1630 lorsqu’une prude abbesse s’avisa de séparer leurs ossements.
Au XIXème siècle, des âmes plus charitables veillèrent à les réunir de nouveau et leurs cendres reposent aujourd’hui au cimetière du Père Lachaise, dans un monument qui est la copie de celui du Paraclet. Symboles de l’amour absolu, ils furent parmi les premiers inhumés dans ce cimetière. En fait, ce fut un coup de pub imaginé par le préfet Frochot avec l’aide d’Alexandre Lenoir pour susciter l’intérêt des Parisiens qui boudaient alors ce nouveau cimetière hors des murs du Paris de l’époque.
De cette rue qui ne semble avoir guère changé, j'avais fait ce zoom sur la flèche Notre-Dame reconstruite par Viollet-le-Duc. Toute l’ingéniosité de M. Georges, un Maître charpentier sachant perpétuer la tradition des bâtisseurs de cathédrales, avait été alors requise pour refaire la charpente de la flèche pour supporter le poids colossal de la flèche. Au centre, on discerne la statue de Viollet-le-Duc, représenté sous les traits du patron des architectes, Saint-Thomas, tourné vers la flèche, contemplant son œuvre et faisant le salut du compagnonnage.
Puis, le terrible incendie du lundi 15 avril 2019 a endommagé en grande partie la cathédrale, en emportant la toiture et la charpente faite de poutres en bois de châtaignier ajustées les unes aux autres sans rivets ni chevilles, et surnommée pour cette raison la forêt. Et dans un sinistre basculement, la flèche en feu tomba aux environs de 20 heures.
Poursuivons par le Quai aux Fleurs, traversons le Marché aux Fleurs. Boulevard du Palais, la Sainte-Chapelle, un pur joyau de l’art gothique que Saint-Louis commanda à Pierre de Montreuil pour abriter un fragment de la croix du Christ et la couronne d’épines. Si les monuments que nous voyons maintenant, la Sainte-Chapelle, la Conciergerie nous viennent préservés des temps reculés du Moyen-Age, rien n'évoque les venelles d'autrefois et des très nombreuses églises tombées sous la pioche d'Haussmann, plus épris de la ligne droite et des larges voies.
La Tour de l’Horloge, installée en 1371 est la plus vieille horloge publique de Paris. Au sommet de la tour se trouvait la cloche qui annonça avec celles de Saint-Germain l’Auxerrois le début de la Saint-Barthélemy. Elle fut fondue à la Révolution.
Quai de l’Horloge, nous longeons la Conciergerie qui dresse ses trois tours rondes : la tour César, la Tour d’Argent et la tour Bonbec dont le nom rappelle qu’on y torturait pour faire parler les prisonniers. Au bout de l'île, nous atteignons le Pont-Neuf que nous empruntons pour rejoindre la rive gauche.
Deux choix pour la promenade côté rive droite. Soit par le Pont-Neuf en prenant le quai de l'Hôtel de Ville. Soit par l'Ile Saint-Louis que l'on rejoint par le pont Saint-Louis., puis par le pont Louis Philippe. C'est selon que l'on préfère les bouquinistes ou une glace chez Berthillon.
Texte / Photos : Martine Combes
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