Faubourg Saint-Germain - 1ère partie

Les rues du Bac, de Grenelle et de Varenne

La promenade débute à la station de métro Sèvres Babylone et fait une large boucle à l'est de l'arrondissement autour des rues du Bac, de Grenelle et de Varenne.

Plan Promenade 7ème rues du Bac Grenelle Varenne

Square Récamier (Roger Stéphane)

A la sortie du métro Sèvres-Babylone, traversons le boulevard Raspail, suivons la rue de Sèvres et prenons à gauche la rue Juliette Récamier, une petite rue tranquille qui débouche sur l'adorable petit square Récamier qu'affectionne ma mère. C'est un jardin à l'anglaise avec de beaux arbres et des petits recoins parfaits pour les amoureux ou les gens soucieux d'un peu de tranquillité. 

Julie Récamier, muse de Chateaubriand qui venait la voir tous les après-midi, résidait ici, au couvent des Bernadines de l’Abbaye aux Bois. Elle y vivait une retraite toute relative car son esprit et sa beauté continuaient à attirer les personnalités de l’époque : Balzac, Musset, Hugo, Lamartine, Delacroix, Stendhal. Le couvent a été photographié par Atget en 1908, juste avant sa démolition lors de l’agrandissement du boulevard Raspail.  

Square Récamier
Atget ancien couvent de l'Abbaye aux Bois

Ancien couvent de l'Abbaye aux Bois
16, rue de Sèvres

Atget - 1908
(INHA)

Revenons rue de Sèvres, tournons à droite boulevard Raspail et suivons la rue de la Chaise marquée par la présence de Sciences Po dont l’implantation rue Saint-guillaume continue à s’étendre dans tout le quartier.  Prenons la rue de Grenelle à gauche jusqu'au boulevard  Raspail et la rue de Luynes d’où l’on voit se dresser l’église Saint Thomas d’Aquin.  

Saint-Thomas d'Aquin

Eglise Saint-Thomas d'Aquin

La petite place Saint-Thomas d’Aquin dont l'élégance feutrée est à l'image des habitants du quartier est également assez méconnue bien qu’à quelques rues du musée d’Orsay et du  Bon Marché. Elle est essentiellement  fréquentée par les habitués du quartier et par les élèves de Sciences Po dont le campus est installé depuis 2022 dans les bâtiments de l'ancien couvent dominicain. 

L'église, initialement chapelle du couvent, recèle de très belles peintures, comme celles réalisées par Merry Joseph Blondel pour la chapelle et le coupole. 

Guillaume Apollinaire qui le 14 juillet 1918 écrivait dans son journal :  “Avec la guerre, l’intelligence a tellement baissé que tout le monde est devenu intelligent “, notait  le 2 mai de la même année son mariage à la mairie du 7e arrondissement et à l’église Saint-Thomas d’Aquin.  Les témoins  Lucien Descaves,  Picasso, Ambroise Vollard et Gabrielle Picabia devaient s'y retrouver quelques mois plus tard en novembre pour son enterrement quand il mourut de la grippe espagnole.

Magasin Deyrolle

Magasin Deyrolle rue du Bac

Prenons la petite rue de Gribeauval qui s’ouvre sur la rue du Bac. En face, ne manquez pas d’entrer dans le magasin Deyrolle spécialisé dans la taxidermie et l’entomologie depuis 1831. C’est un incroyable cabinet de curiosités, où se cotoient au premier étage parmi d’autres animaux une blanche licorne et un tigre entourés de grands papillons bleus.

 

Arrivés au carrefour, prenons à gauche le boulevard Raspail jusqu’à la rue de Grenelle que nous prenons à droite.

Rue de Grenelle

Magasin Barthélémy rue de Grenelle

Au 51, rue de Grenelle, le petit magasin Barthélémy est une des adresses gourmandes les plus réputées de l’arrondissement, avec des fromages en provenance des meilleurs terroirs remarquablement bien affinés.  

Un peu plus loin, on ne peut manquer l’imposante fontaine des Quatre Saisons réalisée en 1739 par Bouchardon, sculpteur très admiré de Louis XIV. Bouchardon a en tous les cas réussi l’exploit de construire dans cette rue si étroite une  fontaine aussi monumentale.  Son débit d'eau très réduit la fait paraître d'autant plus disproportionnée. A cette grande réalisation baroque, en cours de restauration jusqu’en mars 2024, je préfère de loin les délicates sanguines de Bouchardon ou la grâce infinie de sa sculpture de marbre l’Amour se faisant un arc de la massue d’Hercule, visibles au Louvre.

Atget Fontaine des Quatre Saisons

Fontaine des Quatre Saisons
Atget
(Musée Carnavalet)

Fontaine des Quatre Saisons rue de Grenelle

Juste à côté de la fontaine, on trouve le musée Maillol créé par Dina Vierny, modèle de Maillol. Devenue légataire du sculpteur, elle choisit l’hôtel Bouchardon où elle occupait un appartement pour en faire un musée. Vingt années lui furent nécessaires pour complètement racheter l’immeuble et en faire un lieu d’exposition, non seulement des œuvres et de la collection particulière de Maillol, mais aussi de sa propre collection extrêmement variée : œuvres de peintres abstraits et naïfs, et des artistes de  l’avant-garde russe …

Passée la rue du Bac, la rue de Grenelle change d’aspect en devenant une rue essentiellement administrative et diplomatique avec les nombreuses ambassades et institutions installées dans les anciens hôtels particuliers.
Tout comme dans le Marais et partout à Paris, les hôtels particuliers furent souvent confisqués à la Révolution et dépouillés de leurs œuvres d’art. Beaucoup de propriétaires émigrèrent à l’étranger en laissant leurs biens aux mains des révolutionnaires. 
La famille impériale et les dignitaires de Napoléon s’installèrent dans ce quartier, tout proche des Tuileries. C’est à cette époque que ces nouveaux nobles furent surnommés les comtes refaits. Les anciennes familles de l’aristocratie qui se rallièrent à Napoléon purent également obtenir la restitution de leurs hôtels.
Certains hôtels le plus souvent endommagés ne pouvaient pas toujours être remis en l’état par les anciens propriétaires. Ils furent alors loués ou vendus à l’Administration.

Tout ceci permit aux hôtels du Faubourg Saint-Germain de préserver  leur élégance et leurs décors intérieurs, à la grande différence des hôtels du Marais. Ceux-ci plus anciens et délaissés par la noblesse furent occupés jusqu’à la moitié du vingtième siècle par des activités artisanales et commerciales endommageant leur architecture et leurs décors intérieurs. A ce point de vue, les photos prises par Atget dans ces deux différents quartiers sont éloquentes.

Les hôtels particuliers sont très nombreux dans les rues de Grenelle et de Varenne. Rassurez-vous, je ne vais pas tous les énumérer … ce serait trop fastidieux !

Hôtel Gallifet rue de Grenelle

Au 73, nous passons à l’arrière de l’hôtel Gallifet, occupé par l’Institut culturel italien. Après la révolution, l’hôtel fut affecté au ministère des relations extérieures et fut notamment le lieu d’une très grande réception organisé par Talleyrand en l’honneur de Napoléon Bonaparte.



Au 77, l’hôtel très sobre de la Mothe Houdancourt, est aujourd’hui école privée Sainte-Clothilde.

Au 79, le grand hôtel d’Estrées est la résidence (très surveillée) de l’ambassadeur de Russie. Autrefois ambassade de Russie, l’hôtel était la résidence des tsars lors de leurs séjours à Paris. 

Grand Hôtel d'Estrées rue de Grenelle

Grand Hôtel d'Estrées

Au 85, l’hôtel de Bauffremont qui apès avoir été ambassade d’Autriche est redevenu privé. Après avoir appartenu au couturier Givenchy, il est aujourd’hui la propriété du milliardaire Xavier Niel qui possède également le bel hôtel Lambert dans l’Ile Saint-Louis.

Hôtel de Bauffremeont rue de Grenelle
Hôtel de Bauffremont Atget – 1901 (BnF)

Hôtel de Bauffremont
Atget – 1901
(BnF)

Plus loin le 104 qui donne aussi rue de Bellechasse est le siège de la maison Saint-Laurent. Autrefois abbaye du Penthemont, le 104 était l’entrée de l’ancienne maison de l’abbesse. Le couvent avait pour vocation l’éducation des jeunes filles de grandes familles aristocratiques. Fermé à la Révolution, il servit de caserne à la garde impériale. Quant à l’église juste à côté, elle fut affectée au culte réformé après quelques restaurations de Baltard.

Atget Couvent Penthemont rue de Grenelle

Ancien couvent des religieuses de Penthemont
Maison de l’abbesse
104, rue de Grenelle
Atget – 1901
(Musée Carnavalet)

Eglise de Penthemont

Temple de Penthemont

Au 116, l'ancien hôtel particulier est occupé par la mairie du VIIème et par le collège privé Paul Claudel où étudia Bernadette Chirac.  L’arrière de la mairie s’ouvre sur un beau et grand jardin. 


Prenons à droite la rue Casimir Périer jusqu’à la basilique Sainte Clothilde.

Basilique Sainte Clothilde

Construite en 1856, époque à laquelle les romantiques remirent l’art gothique au goût du jour, l’église est la première grande église néo-gothique de Paris. Tout le rappelle dans cette cette belle église: les vitraux ainsi que les statues du portail, sainte Clothilde et Clovis réalisées  par Geoffroy Dechaume qui travailla avec Viollet le Duc pour la restauration de la Sainte-Chapelle et de Notre Dame.

Basilique depuis 1898 à l'occasion du 14ème centenaire de Clovis, elle possède un bel orgue dont César Franck fut le premier titulaire.  

Autre curiosité et non des moindres, dans ce quartier à deux pas de l’Assemblée Nationale, de Matignon et d’autres ministères, … les politiques peuvent se mettre sous la protection de Thomas More, saint patron des responsables de gouvernement et des hommes politiques.  Grand chancelier d'Henri VIII, il choisit sa conscience à son intérêt, au risque d'être accusé de trahison lors du divorce du roi. Il fut emprisonné et décapité à la Tour de Londres. Combien d'hommes politiques méditent sur cet exemple d'une autre époque ? 

Basilique Sainte-Clothilde

Après avoir fait une halte dans le square qui fait face à l’église, prenons à gauche la rue Saint-Dominique jusqu’à la rue de Bourgogne à gauche.

Rue de Bourgogne

On y trouve de belles épiceries fines comme l’épicerie Jeune Homme, ou bien un magasin d'objets aux prix très abordables tenu par un homme moins jeune et plus bourru mais non dénué d’humour ...
Au bout de la rue, nous tournons à gauche dans la rue de Varenne.

Rue de Varenne

Au bout de la rue de Varenne, au 77 s’ouvre le beau musée Rodin (gratuit le premier dimanche entre octobre et mars).

C’est l’écrivain Rainer Maria Rilke, secrétaire et grand admirateur du maître Rodin, qui fit connaitre l’endroit au sculpteur. Lors de son troisième séjour à Paris en 1908, Rilke rejoint sa femme, Clara Westhof qui loue une pièce au rez de chaussée de l’immense hôtel de Biron laissé à l’abandon et  alors occupé par plusieurs artistes, Cocteau, Matisse, Isadora Duncan. A son arrivée, Rilke est de suite emballé et écrit à Rodin : « Vous devriez, cher grand ami, voir ce beau bâtiment et la salle que j’habite depuis ce matin. Ses troies baies donnent prodigieusement sur un jardin abandonné, où on voit de temps en temps les lapins naïfs sauter à travers les treillages comme dans une ancienne tapisserie.» Rodin suivit le conseil et occupa dans un premier temps quelques pièces du rez de chaussée avec sa maîtresse du moment, la duchesse de Choiseul. 

Je me demande d'ailleurs si ces petits lapins naïfs ne sont pas les ancêtres de ceux que l'on peut voir gambader aujourd'hui dans les jardins des Invalides ...  

Plus loin au 57, le très connu hôtel de Matignon.  
Construit en 1721,  il fut la propriété de plusieurs familles aristocratiques, dont le souverain des Monégasques jusqu’à la Révolution. Après 1793, l’état et les nobles ne cessèrent de se l’échanger ; Tout d’abord Talleyrand qui l’échangea contre ses appartements de la rue Saint-Honoré jugés alors trop petits par l’empereur pour les bals que son ministre devait donner. Ensuite Louis XVIII qui l’échangea contre le palais de l’Elysée. Puis ambassade d’Autriche quand en 1905 Atget a fixé sa silhouette de Dark Vador dans le miroir de la cheminée. En 1935 le Président du Conseil s’y installa, relayé par le Premier ministre en 1958.

Atget 57 rue de Varenne

Ambassade d'Autriche - 57, rue de Varenne
Atget – 1905
(BnF)

En face, au 56, remarquons le portail de l’hôtel de Gouffier de Thoix, très ouvragé. La porte est ornée de médaillons représentant Mars et Minerve.

Prenons la rue du Bac à droite.

Atget Hôtel de Gouffier rue de Varenne

Hôtel de Gouffier (1760)
56, rue de Varenne
Atget – 1901
(BnF)

Hôtel de Gouffier rue de Varenne

Rue du Bac

La rue doit son nom à un bac qui depuis 1550 faisait la liaison avec la rive droite. La création de la rue et du bac avaient été décidée initialement pour l’acheminement des pierres extraites des carrières de Vaugirard sur le chantier du nouveau palais des Tuileries. Plus tard Louis XIII témoin d’un accident avec le bac aurait demandé la construction d’un pont remplacé par l’actuel Pont-Royal construit sous Louis XIV.

Pour ma part, j'ai toujours plaisir à me promener dans cette rue, les mauvaises langues diront que c'est mon côté un peu snob. Les plus gentils diront que je suis simplement curieuse.

Arrêtons-nous dans le petit square des Missions étrangères Les amateurs de glaces ne manqueront pas de se fournir au préalable au Bac à Glaces (au 109) pour agrémenter la pause.

Le buste de Chateaubriand immortalise les derniers moments de la vie de l'écrivain passés à l’hôtel de Clermont Tonnerre en face du square.
Cet hôtel particulier ou plutôt les deux hôtels jumelés ont été construits en 1713 par deux évêques du séminaire des Missions Etrangères.  Chateaubriand évoque cette maison dans les Mémoires d’Outre Tombe : « Ma fenêtre qui donne à l’ouest sur les jardins des Missions Etrangères est ouverte : il est six heures du matin, j’aperçois la lune pâle et élargie, elle s’abaisse sur la flèche des Invalides à peine révélés par le premier rayon doré de l’Orient : on dirait que l’ancien monde finit et que le nouveau commence.»

Sur les deux portails d’entrée, les quatre continents  sont representées par des allégories: L’Amérique avec l’indien, l’Afrique avec un lion, l’Asie avec un éléphant et l’Europe avec un cheval.

Jardin Missions Etrangères Chateaubriand
Atget - Hôtel Chateaubriand

Hôtel de Chateaubriand
Atget - 1902
(BnF)

Hôtel Clermont Tonnerre

Poursuivons jusqu’à la rue de Babylone, où se trouve le séminaire des Missions étrangères, créé en 1644 par Bernard de Sainte Thérèse, evêque de Babylone, d’où le nom de la rue. L’institution forme depuis sa création les futurs prêtres destinés à devenir missionnaires. La chapelle construite en 1683 est d’origine.

Chapelle Missions Etrangères

Au 140, la chapelle de la Médaille Miraculeuse est un des lieux les plus visités du quartier. La chapelle très lumineuse ne désemplit pas et la ferveur de ceux qui viennent y prier est si intense que l’atmosphère semble en vibrer. On y accède par un long couloir donnant sur les bâtiments de la congrégation religieuse qui depuis 1832 frappe et vend une petite médaille en souvenir des apparitions de la Vierge à Catherine Labouré, une jeune novice des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul. On peut voir son corps reposant près de l’autel dans une châsse d’un style très kitsch qui me rappelle enfant ma fascination devant celle de Thérèse de Lisieux.  

Chapelle Médaille Miraculeuse

De l’autre côté de la rue, le contraste est saisissant entre la simplicité de la Chapelle et la sophistication du Bon Marché, premier  grand magasin et dont Eiffel a réalisé la structure métallique.
Son fondateur, Aristide Boucicault dont on peut voir encore le nom  sur la façade du magasin, inspira Zola pour son livre Le Bonheur des Dames, notamment par son innovation pour l'époque: entrée libre, prix fixe et affiché, possibilité d'échange et de reprise des marchandises.

 

Nous sommes revenus à notre point de départ.

On choisira peut-être de s’arrêter ici. Ou bien de poursuivre avec la seconde partie de notre promenade.  

Texte / Photos : Martine Combes

Contact / newsletter: