Hora fugit - Un peu de Paris
Nous nous arrêterons en particulier :
*
Rue de Nevers
* 24, rue du Sommerard - Musée de Cluny
* 23, rue Clovis
* Rue Valette - Collège de Fortet
* 29 et 31 rue Galande
* Eglise Saint-Julien-le-Pauvre
* Eglise Saint-Séverin
* Rue de la Parcheminerie
Du Pont-Neuf, nous traversons le quai des Grands-Augustins et nous engouffrer sous le grand porche qui s'ouvre rue de Nevers, une vieille venelle sombre et étroite du XIIIème siècle.
Avant de nous y enfoncer, levons les yeux sur la voûte où sont reproduits des vers du Paris Ridicule écrit par Claude Lepetit en 1638. Ils nous rappellent que le Pont-Neuf était un repère de voyous, que j’imagine aisément surgir du fond de cette vieille rue, armés d’un nerf de bœuf pour apeurer et voler le passant égaré. Au XIIIème siècle, cette rue aux maisons protégées de barreaux constituait les limites de l’Hôtel de Nesles (remplacé plus tard par l’hôtel de Nevers) et le couvent des Grands-Augustins. Au bout de l'impasse, subsiste la partie basse de la muraille de Philippe-Auguste.
Prenons à gauche la rue de Nesles et à gauche la rue Dauphine et en face la rue de l'Ancienne-Comédie. Prendre la rue Saint-Jacques à droite, Tourner à gauche boulevard Saint-Germain Arrivé à, puis Boulevard Saint-Germain. Contourner le Musée de Cluny, dont l'entrée est rue du Sommerard.
Boulevard Saint-Germain, nous sommes passés devant le Palais des thermes romains, bâti au tournant du IIIème siècle, dont on peut encore admirer aujourd’hui d’imposantes ruines, notamment celles du frigidarium. Ce palais est devenu par la suite résidence des rois francs qui s’y sont succédés. Plus tard vers 1330, l’ordre de Cluny fit l’acquisition du terrain et ce n’est que vers la fin du XVème siècle que les abbés décidèrent d’y bâtir une nouvelle demeure qui resta en leur possession jusqu’à la Révolution.
En 1833, Alexandre de Sommerard, passionné par le Moyen Age et la Renaissance loua une partie de l’hôtel pour y entreposer ses collections. A sa mort, la Ville de Paris racheta le tout : collections, hôtel et thermes et en fit un musée.
Toutes les pièces du Moyen Age acquises par Sommerard s’y trouvent encore, tandis que celles de la Renaissance furent transférées au Musée de la Renaissance du château d’Ecouen. Il faut prendre le temps de visiter le musée Cluny et d’y admirer des chefs d’œuvre qui ont failli disparaître, tels que le portail de la Chapelle de la Vierge de Saint-Germain-des-Prés réalisé par Pierre de Montreuil, ou encore les imposantes Têtes des rois de Juda de la façade de Notre-Dame redécouvertes en 1977 par hasard. Cluny est célèbre pour la suite des six tapisseries du XVème siècle de la Dame à la licorne, déclinant le thème des cinq sens et du désir.
Pour ma génération, la Dame à la licorne jouant délicatement de l’orgue pourra évoquer plus particulièrement les cours de français et la couverture inoubliable du Lagarde et Michard consacré au XVIème siècle.
En sortant du musée, prendre en face la rue du Pain Levé et prendre à gauche la rue des Ecoles et à droite la rue des Carmes, jusqu'au Panthéon. Rue Clovis, le prestigieux lycée Henri IV englobe quelques vestiges de l’abbaye Sainte-Geneviève, grande rivale à son époque de Saint-Germain-des-Prés par sa richesse et sa taille.
De cette époque subsistent essentiellement l’ancien réfectoire des moines construit au début du XIIIème siècle (actuellement chapelle du lycée) et la tour Clovis.
Le premier sanctuaire abbatial de la Sainte patronne de Paris fut fondé par Clovis en 508. autour des reliques de Sainte Geneviève. Ce sanctuaire fut remplacée au XIIème par une église qui devint l'église actuelle de Saint-Etienne du Mont où les quelques restes du sarcophage soustraits au saccage des révolutionnaires sont rassemblés sous une châsse de cuivre.
En sortant de l'église, rejoindre la rue Valette à partir de la place du Panthéon.
Lycée Henri IV - 23, rue Clovis
Ancienne Abbaye Sainte Geneviève
fondée par Clovis en 511
1900 Atget
(Carnavalet)
Juste en face du Collège Sainte-Barbe créé en 1460, et qui est donc aujourd’hui le plus vieil établissement scolaire de France, se trouvait le collège de Fortet, installé vers 1397, dont il ne subsiste qu’une tour hexagonale abritant un escalier à vis, dite Tour de Calvin.
Le collège, en effet, eut pour élève le jeune Calvin qui y étudia la théologie. Proche du recteur de l'université, Nicolas Cop, avec lequel il partageait ses idées réformatrices, Calvin rédigea pour lui en 1533 son discours d’investiture appelant à une réforme de l’université. Ceci déplut, fit scandale et Cop échappa de justesse à la police venue l’arrêter. Quant à Calvin, il s’enfuit de nuit de sa chambre du collège Fortet. La légende veut que cette pittoresque évasion se soit faite par cette fameuse tour et de là par les toits.
Par une surprenante coïncidence, c’est au collège de Fortet, en 1585, que se constitua la Sainte Ligue et que se fomentèrent les violents appels au fanatisme, dans le lieu même où Calvin avait entamé sa rupture avec l’Eglise …
La démolition des immeubles voisins de la tour a permis à Atget de photographier la tour de face, où l’on voit très bien à son sommet une sorte de loge à toit pentu. De nos jours, la tour recrépie en jaune n’est visible que de côté dans la petite cour fleurie du 19-21 de la rue Valette.
Continuer la rue Valette et par la rue des Carmes pour rejoindre la place Maubert. Prendre la rue Lagrange puis la rue Galande.
« De très antiques masures subsistent. Le 29, occupé par un débit de papeterie religieuse et de vitres ; le 31, par un marchand de crépins et de cuirs, ont conservé leurs vieux toits à pignons soutenus par des consoles sculptées de bois. »
J.K. Huysmans – La Bièvre et Saint-Séverin
Huysmans était contemporain d'Atget. On voit effectivement sur sa photo les deux pignons identiques.
De nos jours, seul le pignon du 29 qui date d’environ 1480 a conservé sa console de bois. Peut-être ces vénérables maisons mériteraient-elles la même attention que celles de la rue François Miron ? ( Rive droite)
Avant de rejoindre l’église Saint-Julien-le-Pauvre, arrêtons-nous au 42, rue Galande où, au-dessus du cinéma d’Art et Essai, on peut voir, scellé dans le mur, un bas-relief en pierre du XIVème siècle. Cette plus vieille enseigne de Paris reprend la légende de Saint Julien-l’Hospitalier qui exerçait le métier de passeur. On peut le voir dans une barque avec sa femme, faisant passer un fleuve au Christ.
C’est aujourd’hui une des plus charmantes églises de Paris où ma mère aimait m’emmener en promenade dans le petit jardin qui l’entoure et me montrer le plus vieil arbre de Paris, un robinier dont on soulage le poids de plus de quatre siècles par une canne de béton. La première église, construite au VIème siècle fut saccagée par les Normands et reconstruite au XIIème siècle.
La fermeture exceptionnelle de l’église et du jardin pour dératisation le jour de ma dernière promenade m’a ramenée aux temps anciens quand les rongeurs infestaient tant Paris qu’une rue toute proche, la rue de l’hôtel Colbert s’appelait alors rue des Rats.
Quand Atget photographia Saint-Julien-le-Pauvre en 1898 et 1899, l'église était encore imbriquée dans les bâtiments qui l’entouraient. Les photos prises par Atget éclairent la lecture des textes, sinon difficiles à comprendre, de J.K. Huysmans qui a décrit Saint-Julien-le-Pauvre, précisément en 1898 ...
« La cour au fond de laquelle s’élève l’église Saint-Julien-le-Pauvre est latrinière et informe ; des maisons sillonnées par des tuyaux de descente et des caisses rouillées de plombs, trouées de fenêtres rayées par des barreaux de fer, bosselées de cabinets rajoutés et qui font saillie sur leurs façades saurées par des ans accumulés de crasse, s’avancent en désordre au-dessus de la petite église, accroupie sur un fumier que picorent quelques poules. Une margelle bouchée de puits dort près de sa porte dont un vieillard sans grâce garde l’entrée ».
Cette église, commencée vers 1160 et terminée vers 1240 est en fait l’une des deux plus vieilles églises de Paris avec Saint-Germain-des-Prés.
Sa petitesse provient de l’amputation opérée au XVIIIème siècle alors qu’elle tombait en ruine. La vieille façade gothique, les deux premières travées de la nef et celles du bas-côté sud furent rasées. La façade actuelle fut alors construite pour clore l’église. Le puits qui se trouvait dans la seconde travée du bas-côté sud s’est ainsi retrouvé à l’extérieur. A gauche de la nouvelle façade, côté nord, subsistent quelques fragments de galeries, un mur en ruines et des tronçons de colonnes, seuls restes de la façade du XIIIe siècle.
Je trouve que c’est précisément sa dimension modeste qui lui confère un charme particulier. L’intérieur, de par la petitesse de l’église, est presque intime, et enfant, j’aimais le charme étrange de l’iconostase en bois marqueté et des rideaux rouges qui masquent le chœur, comme le veut le rite byzantin, en l’occurrence le rite grec-catholique, dit melkite. L’église est souvent fermée mais on peut en découvrir l'intérieur à l'occasion des concerts qui y sont régulièrement donnés.
Longeons l'arrière de l'église Saint-Severin toute proche par la rue Saint-Jacques où nous tournons à droite dans la rue de la Parcheminerie. Les rues tout autour de l’église Saint-Séverin remontent au XIIIème siècle.
Moins connue et moins fréquentée que sa voisine la rue de la Huchette, la pittoresque rue de la Parcheminerie, dite autrefois des écrivains, rappelle qu’elle regroupait de nombreux copistes, enlumineurs et relieurs. Au XVIIIème siècle, il y avait dans ce quartier une imprimerie renommée pour la qualité de ses livres, perpétuant ainsi l’artisanat du livre traditionnel exercé dans ce quartier.
Vers 1462, François Villon, impliqué, comme souvent, dans une rixe se serait-il échappé par une porte comme celle photographiée par Atget, à jamais disparue ?
A la place de la vieille porte photographiée par Atget, nous trouvons aujourd’hui l’entrée moderne d’un hôtel dont la porte en arc semble être un clin d’œil malicieux au passé … et fait écho à la phrase prémonitoire de J.K. Huysmans ... "A l’heure actuelle, le quartier Saint-Séverin, le seul à Paris, qui conserve encore un peu l’allure des anciens temps, s’effrite et se démolit chaque jour ; dans quelques années, il n’y aura plus trace des délicieuses masures qui l’encombrent" ;
L’église a pour origine une chapelle où Saint-Séverin, pieux solitaire du VIème siècle, fut inhumé. Brûlée par les Normands en 1031, elle fut reconstruite et devint le chef lieu d’une immense paroisse.
Elle mérite d’être visitée. La vision des piliers de son déambulatoire qui se déploient en une sublime palmeraie de pierre éclairée par la douce lumière des vitraux me procure à chaque fois la même émotion.
Joris-Karl Huysmans en a fait une magistrale description dans La Bièvre et Saint-Séverin : « … l’église de Saint-Séverin demeure quand même exquise …, l’abside n’en reste pas moins l’une des plus étonnantes ombellas que les artistes d’antan aient jamais brodées pour abriter le Saint-Sacrement de l’autel. Ils semblent en avoir emprunté la forme à la végétation du pays où naquit le Christ, car ils ont planté une futaie de palmiers dont un fruit tombe en une goutte de sang, en un rubis de veilleuse, devant le tabernacle. Et l’on y va, à cette abside où se tiennent les réserves de Dieu, par un chemin vraiment mystique, car les allées accouplées qui y mènent, en filant de chaque côté le long de la grande nef, ont l’aspect tout claustral des routes hors le monde, des galeries de cloîtres ! »
Texte / Photos : Martine Combes
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