Hora fugit - Un peu de Paris
En sortant du métro à Saint-Jacques, rejoignons la place du même nom et prenons la rue du Faubourg Saint-Jacques, une des plus anciennes voies de Paris empruntées autrefois par les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle.
Dirigeons-nous vers la petite place de l’Ile de Sein, face aux jardins de l’Observatoire, que coupe la ligne du Méridien de Paris, à hauteur du socle de la statue fantôme d’Arago fondue en 1942.
A l’heure où l’on parle de déboulonner les statues de personnages incriminés de racisme, l’homme de sciences Arago qui fut aussi un actif partisan de l’abolition de l’esclavage mériterait qu’on lui érige un nouveau monument ...
Alexandre Dumas disait d’Arago qu’il était « non seulement la science, mais encore la conscience ; non seulement le génie, mais encore la probité !».
Ici, l’hommage à François Arago est décliné de multiples façons, l’avenue à son nom où nous nous trouvons, deux médaillons réalisés par Jan Dibbett apposés de chaque côté du socle vide et enfin dans les jardins de l’Observatoire une statue surprenante et virevoltante réalisée par Wim Delvoye.
Devant nous se dresse le dôme blanc de l’Observatoire, où furent réalisées en 1676 les premières observations des quatre satellites de Jupiter permettant au danois Römer de réaliser la première mesure de la vitesse de la lumière, affinée plus tard par Foucault. La coupole abrite toujours la lunette construite en 1846 par Arago.
Pour mieux voir l’Observatoire, nous allons faire le tour par la rue du Faubourg Saint-Jacques, puis à gauche la rue Cassini, du nom de la lignée d’astronomes qui dirigèrent l’Observatoire durant plus d’un siècle.
La promenade de Montparnasse décrit plus en détail cette portion de rues.
Arrêtons-nous au bout de la rue Cassini devant l’Observatoire que nous pouvons voir derrière les grilles. Le bâtiment a été construit sous Louis XIV par l’architecte Claude Perrault, plus connu pour la réalisation de la colonnade du Louvre et aussi frère de Charles Perrault, qui a bercé notre enfance avec ses Contes célèbres. Le bâtiment est orienté et découpé en deux parties égales selon l’axe du méridien de Paris matérialisé au sol de la grande salle du deuxième étage.
Avant l’adoption en 1911 du méridien de Greenwich, le méridien de Paris était la référence des marins français pour le calcul des longitudes. La nouvelle ligne de référence passe à 2°20 à l’ouest de Paris. Petit détail dont vous devrez vous souvenir si jamais vous deviez partir à la recherche d’un ancien trésor localisé à partir du méridien de Paris, et ainsi éviter l’erreur que commettent Tintin et le capitaine Haddock lors de leur recherche du trésor de Rackham le Rouge ! Comme quoi les bandes dessinées peuvent être instructives !
S’il ne sert plus au calcul des longitudes, la ligne méridienne permet toujours d’obtenir le midi vrai.
A propos d’heure, je me souviens qu’enfant il m’arrivait de composer au téléphone le numéro de l’horloge parlante, poussée par une obsession du temps exact transmise dans mes gènes par une longue lignée d’horlogers … Au 4ème top, il sera exactement … et le gardien du temps communiquait l’heure …
Prenons maintenant l’avenue de l’Observatoire.
Le café Bullier rappelle l’existence du bal Bullier où autrefois tout Montparnasse venait danser et faire la bombe. Mais le bal Bullier était situé de l’autre côté de l’avenue, à l’emplacement des bâtiments du centre universitaire (CROUS).
Nous passons devant le maréchal Ney, figé dans un belliqueux mouvement de sabre, à quelques mètres du lieu où il fut fusillé pour avoir trahi Louis XVIII lors du retour de Napoléon de l’Ile d’Elbe.
A la recherche d’une éventuelle trace de médaillon Arago, j’ai courageusement bravé la circulation dense des voitures pour rejoindre le terre plein de la place Camille Julian, où se dresse un monument à la mémoire de Francis Garnier, inauguré le 14 juillet 1898. Cet officier de marine envoyé à la conquête du Tonkin sous Napoléon III fut décapité à Hanoï par les Pavillons Noirs et ses cendres récupérées près de cent ans plus tard furent placées dans le monument. Après avoir constaté l’absence de médaillon, j’ai de nouveau bravé la circulation pour me diriger vers les jardins de Marco Polo, explorateur aux desseins plus pacifiques.
La promenade Montparnasse inclut évidemment ce jardin tranquille formant un bel axe bordé de marronniers dans la prolongation du jardin du Luxembourg.
A l’angle du jardin et de la rue d’Assas, au lieu d'un médailon Arago, une borne de la Méridienne Verte, au niveau de la belle fontaine des Quatre Parties du Monde, nous indique la ligne imaginaire du méridien de Paris.
Ici, point d’envolée à la gloire des conquêtes coloniales mais un ensemble harmonieux de femmes représentant les quatre continents et portant dans un même élan la sphère céleste, réalisé par Carpeaux.
Le long de l’avenue de l’Observatoire, notre regard est attiré par l’institut d’art et d’archéologie, un bâtiment de briques rouge d’un style éclectique, aux allures de palais mi-oriental, mi-vénitien, construit dans les années vingt. Après avoir longé ce beau bâtiment entouré d’une frise de bas-reliefs, nous passons devant la faculté de pharmacie, puis comme en curieux écho à la statue de Francis Garnier, l’ancienne école des colonies de style mauresque créée en 1889.
Nous arrivons au niveau de la rue Auguste Comte, où le jardin du Luxembourg s’ouvre dans une parfaite continuité de pelouses et d’arbres taillés.
J’ai tant de fois parcouru le jardin du Luxembourg sans même remarquer les médaillons Arago au sol. (J'en ai trouvé six entre l'entrée et le bassin central).
La promenade du Luxembourg parcourt tout le jardin. Ici, nous allons surtout suivre la ligne virtuelle du méridien de Paris jusqu’au niveau des Reines de France qui font la ronde autour du bassin central.
Puis nous nous dirigerons à l’est du jardin pour nous reposer au bord de la fontaine de Médicis où lors de ma dernière visite, on achevait les derniers travaux de son importante restauration.
Sortons rue de Vaugirard.
Au 36, remarquons un mètre étalon en marbre.
Installé sous la convention, il était destiné à familiariser la population avec cette nouvelle unité de mesure unique qui fut décrétée en 1790 comme devant être la dix-millionième partie de l’arc du méridien entre le pôle nord et l’équateur. Il ne restait plus qu’à en faire la mesure … C’est donc en pleine Révolution française que les deux astronomes Delambre et Méchain ont effectué des mesures précises de l’arc du méridien entre Dunkerque et Barcelone et ainsi définir le mètre fixé à 0,513 074 toise …
Rejoignons l’église Saint-Sulpice par la rue Garancière au bout de laquelle s’avance le chevet de l’église.
La promenade du Luco qui se termine par Saint-Sulpice fait découvrir le gnomon, instrument de mesure astronomique.
S’il fut installé dans une église, c’est qu’il permettait aussi de déterminer avec précision la date de Pâques.
Le principe du gnomon est le suivant : lorsque le rayon du soleil passe par l’orifice pratiqué dans le vitrail sud où était insérée une lentille, un disque de lumière se forme sur le sol. Lorsque ce disque coupe la ligne de laiton au sol matérialisant la méridienne, il est midi vrai, c’est à dire midi solaire. La trace au sol permet aussi d’identifier avec précision les équinoxes de mars et de septembre selon la position du soleil, plus haut en été ou plus bas en hiver. La date de Pâques, soit le dimanche qui suit la pleine lune du printemps, pouvait alors être déterminée.
Le méridien qui passait par l’Observatoire était une ligne de référence passant par les deux pôles et permettait de déterminer les longitudes et le midi vrai. C’est à partir du méridien de Greenwich que sont aujourd’hui déterminés les vingt-quatre fuseaux horaires et les longitudes.
Le méridien de Paris ne passait pas par Saint-Sulpice. Par contre la méridienne qui traverse l’église permet de déterminer le midi vrai, équinoxes et solstices …
Troisième promenade : de Saint-Germain au Louvre
Texte / Photos : Martine Combes
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