Hora fugit - Un peu de Paris
De la place de Invalides, nous descendons l’esplanade en direction du pont Alexandre III et tournons à gauche dans la rue de l’Université.
Passée la rue de la Tour Maubourg, nous arrivons dans le quartier dit du Gros Caillou, dont le nom pourrait venir d’un mégalithe. Ce fut un terrain agricole pendant très longtemps avant que des artisans et des ouvriers commencent à s’y établir lors de la construction des Invalides au XVIIème siècle puis de l’Ecole militaire au XVIIIème.
Au bord de la Seine, plusieurs îles furent peu à peu réunies pour former l’Ile des Cygnes qui s’étendait entre aujourd’hui l’esplanade des Invalides et la Tour Eiffel. Elle devait son nom aux nombreux cygnes que l’on y élevait pour peupler les jardins de Versailles. L’Ile fut ensuite rattachée à la terre ferme où une fabrique d’huile de tripes très polluante fut ensuite remplacée par une très grande usine de tabacs détruite en 1909.
C’est aujourd’hui un quartier très vivant dont les rues ont gardé des allures de gros bourg animé, avec de nombreux commerces notamment rues Cler, Saint Dominique et de Grenelle, ainsi que des terrasses de restaurants comme autour de la fontaine de Mars.
Tournons à droite dans la rue Surcouf. Nous nous trouvons sur le site de l’ancienne Ile des Cygnes où fut implantée l’ancienne manufacture de tabac. Tournons à gauche quai d’Orsay.
Au 65 s’élève l’église américaine de Paris construite en 1931. De style néo gothique anglais et au milieu d’un petit jardin et de bâtiments en brique et pierre, elle a indéniablement l’allure d’un collège américain. Ce n’est pas seulement un lieu de culte. C’est aussi un lieu d’éducation avec deux écoles bilingues, un lieu d’art et un lieu d’associations sportives.
Longeons la façade de l’église Américaine dans la rue Jean Nicot, traversons la rue Saint-Dominique et prenons en face l’étroit passage Jean Nicot.
Au 147 de la rue de Grenelle, l’église Saint Jean se dresse au fond d’une petite cour fleurie, agrémentée d’anciennes bâtisses et prolongée par un square minuscule. Quelques américains traversent la cour pour rejoindre la résidence étudiante de l’American University of Paris, construite à l’arrière de l’église.
Au 151 nous passons devant le premier immeuble signé par l’architecte Lavirotte. Comme Hector Guimard, ce fut un architecte de style Art Nouveau tout aussi exhubérant. Je n’aurais pas autrement prêté plus d’attention à l’immeuble plutôt classique si je n’avais pas remarqué les poignées de porte en forme d’épi de maïs et de lézard, une marque de fabrique très coquine chez Lavirotte. Nous en verrons un autre exemple très connu plus loin avenue Rapp.
Prenons à droite la rue Cler dont nous parcourrons la partie piétonne et très commerçante en fin de promenade.
Nous arrivons en face de l’église Saint Pierre du Gros Caillou.
La lecture d’une discrète plaque à la mémoire de Jean-Sylvain Bailly m’a une fois de plus rendue perplexe par les oublis de l’histoire. Cet homme:
« Membre de l’Académie française et de l’Académie des Sciences ;
Astronome, il découvre les satellites de Jupiter ;
Président de l’Assemblée nationale Constituante, il reçoit le 20 juin 1789 le Serment du Jeu de Paume ;
Premier maire de Paris, il est à l’origine des trois couleurs nationales et ordonne la Fête de la Fédération le 14 juillet 1790 ;
Guillotiné au Champ de Mars le 23 novembre 1793, il est inhumé sous cette église. »
Incroyable que l’histoire ait oublié son nom ! Je lirai plus tard qu’il a aussi aidé Alexandre Lenoir dans sa sauvegarde du patrimoine pendant la Révolution … Incroyable aussi qu’aucune rue de Paris ne soit à son nom …
Ah oui mais je vais aussi lire qu’il fit disperser des manifestants par une fusillade au Champ de Mars… une raison suffisante sans doute ? et de toute façon sans appel !
Continuons par la rue Saint-Dominique jusqu’à la rue Dupont des Loges à droite et tournons à gauche avenue Rapp.
Jules Lavirotte, architecte moins connu qu’Hector Guimard a réalisé plusieurs immeubles de style Art Nouveau dont le plus époustouflant est certainement celui du 29 de l’avenue Rapp. La façade de ciment armé est intégralement recouverte de céramiques et de grès flammé aux tonalités jaunes, vertes et brunes réalisées par le céramiste Alexandre Bigot déjà célèbre pour sa participation à la Villa Majorelle de Nancy ou sa collaboration avec Guimard pour le Castel Béranger. Avec cet immeuble de l’avenue Rapp, Bigot voulait démontrer la possibilité de remplacer la maçonnerie par le grès et Lavirotte celle de réaliser des ossatures très fines en béton armé. L’édifice est donc au départ presque une œuvre expérimentale servant de vitrine pour les talents de l’architectecte et du céramiste. L’aspect délirant de l’immeuble est renforcé par les évocations très érotiques de la porte d’entrée.
Un peu plus loin, Square Rapp au n°3, on peut voir la maison que Lavirotte s’était faire construire pour son propre usage, avec plus de retenue mais avec la même virtuosité.
En face, l’immeuble de la Société Théosophique attire également le regard. Mélange de style orientaliste et art nouveau, il fut construit entre 1912 et 1915 pour abriter le siège d’une organisation spiritualiste dont on peut voir plusieurs symboles sur la façade.
D’ici on a une très belle vue sur la Tour Eiffel, œuvre métallique de génie, dont la silhouette élancée a peut être inspiré l’obsédé Lavirotte ?
Au bout de l’avenue Rapp, s’étendent les grandes pelouses du Champ de Mars. On peut-être tenté de s’y reposer surtout par une belle journée ensoleillée. Personnellement je n’aime pas trop ces grands espaces traversées par des avenues rectilignes aux noms de militaires. Je ne suis non plus ni attirée par le cirque qu’est devenu la Tour Eiffel, ni par l’austère Ecole militaire.
Je préfère revenir dans la rue Saint-Dominique ce qui permet de voir une autre autre immeuble construit par Lavirotte, au 12 de la rue Sédillot.
Cela me permet aussi de repasser devant le restaurant Au Violon d’Ingre où il y a quelques années nous aimions venir goûter à la cuisine du chef Christian Constant, élégante et gourmande mais sans esbrouffe . Hormis le chef, rien n’a changé dans cette maison toujours étoilée; vite alors un évènement à y célébrer!
Plus loin sur la droite la petite place à arcades à l’angle de la rue de l’Exposition ornée de la fontaine de Mars déborde toujours de terrasses de restaurants agréables dès les beaux jours.
Prenons la rue de l’Exposition pour rejoindre à gauche la rue de Grenelle et plus loin engageons nous dans la section piétonne de la rue Cler si vivante avec ses commerces et ses terrasses, où nous pouvons prendre du bon temps puisque c'est la fin de notre promenade.
Au bout avenue de la Motte Picquet, on pourra trouver la station de metro Ecole Militaire.
Texte / Photos : Martine Combes
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