Autour de l' Odéon
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Cette promenade débute à l’Odéon, aborde ensuite le quartier animé de Buci pour se poursuivre dans le quartier Saint-André-des-Arts avant de redescendre vers le boulevard Saint-Germain
et revenir à notre point de départ au métro Odéon.
C’est une promenade dans le sixième arrondissement, à cheval sur plusieurs quartiers dont, on le verra, la physionomie est très différente.
Différents soient-ils, ils sont tous empreints de la vie littéraire et artistique très emblématique de cet arrondissement et bien sûr marqués par les multiples épisodes de l’histoire, notamment celui de
l’époque révolutionnaire.
Cette promenade ne suit pas un thème particulier, ni un secteur bien défini, c’est plutôt une déambulation zigzagante dans un arrondissement si propice à la flânerie
et bien entendu en suivant le fil invisible des lieux photographiés par Atget.
Place de l'Odéon
De la station de métro, nous rejoignons la rue de l'Odéon. Cette rue me séduit toujours, par ses boutiques et surtout ses nombreuses librairies, par la vue qu’elle dégage sur les colonnes et le fronton du théâtre placé en avant-scène du Jardin du Luxembourg.
Cette place en demi-lune sur laquelle est aménagée une terrasse face au théâtre dès
les beaux jours est sobre de par son architecture très classique. Elle s’arrondit en demi-cercle face au portique à colonnes de l’Odéon, premier théâtre monumental construit à Paris, ouvert en 1782, pour
la troupe des Comédiens du Roi, alors trop à l’étroit dans leur petite salle située alors rue de l’Ancienne-Comédie. Deux fois incendié et reconstruit, puis rénové entre 2000 et 2006,
l’Odéon a toujours donné des pièces de grande renommée, classique et contemporaine.
Je lisais dernièrement le roman d’Anne Wiazemsky, Un an après, qui décrit le très mouvementé
Paris de mai 1968 et sa relation avec le cinéaste Jean-Luc Godard très impliqué dans la bataille politique. Elle raconte son exaltation au début du mouvement, puis ses peurs lors des manifestations, enfin son incompréhension
de voir l’Odéon, ce lieu sacré, détruit et saccagé par les manifestants qui l’occupent.
Comme on peut le voir sur la photo prise par Atget, les arcades du théâtre étaient autrefois vouées au commerce du livre et c’est ici que Flammarion a commencé en tant que libraire avant de devenir éditeur. Les galeries abandonneront le commerce du livre dans les années 50.
Les éditions Flammarion occupent aujourd’hui l’immeuble du n°1, place de l’Odéon où se situait autrefois le Café Voltaire fondé en 1750 qui a accueilli de nombreux
écrivains et poètes durant de longues années.
Il fut le lieu de rencontres favori de Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, Gide, Valéry …
Il le fut aussi de ceux qui fréquentaient les deux librairies d’avant-garde,
le Shakespeare and Company * de Sylvia Beach et la Maison des Amis des Livres d’Adrienne Monnier, alors toutes deux situées rue de l’Odéon ; les habitués étaient notamment l’Irlandais James
Joyce et les jeunes Américains de l’entre deux guerres, Hemingway, Scott Fitzgerald, Ezra Pound, …. que Gertrude Stein appelaient ceux de la Génération Perdue.
Plus haut, je mentionnais
combien l’époque Révolutionnaire a marqué ce quartier ; Camille Desmoulins habitait le 22, rue de l’Odéon tout près du Couvent des Cordeliers où il se réunissait avec Danton et Marat.
Lors
de son arrestation à son domicile le même jour que Danton, il fut emmené à la prison du Luxembourg, établi dans le Palais du Luxembourg, avant son exécution le 5 avril 1794. Rejoignons la rue de l’Ecole
de Médecine où se situait autrefois le couvent des Cordeliers qui abrita le fameux club révolutionnaire fondé par Danton. Pour cela, prenons la rue Casimir Delavigne, traversons la rue Monsieur le Prince où nous longeons
encore plusieurs librairies dont deux anglophones, puis descendons les quelques marches de la rue Antoine Dubois pour rejoindre la rue de l’Ecole-de-Médecine.
* La librairie Shakespeare and Company, créée par Sylvia Beach fut fermée pendant l’occupation en 1941. C’est à la mort de Sylvia Beach en 1962 que Georges Whitman changea le nom de sa librairie rue de la Bûcherie pour prendre celui de Shakespeare and Company.
Rue de l'Ecole de Médecine
A l’emplacement de la faculté de Médecine s’élevait autrefois le couvent des Cordeliers où se tint sous la Révolution le club des Cordeliers, dont était membre Marat.
C’est à quelques pas d’ici d’ailleurs que se situait la maison de l’Ami du Peuple, laquelle disparut avec le percement du boulevard Saint-Germain. Ce fut là, dans sa baignoire où il prenait un bain de souffre
pour soulager la maladie cutanée qui le rongeait, que Marat mourut poignardé par Charlotte Corday, le 13 juillet 1793.
Les funérailles du tribun furent théâtralement mises en scène par David dans la chapelle
des Cordeliers. Le corps, recouvert d’un drap mouillé pour imiter les plis de marbre des statues antiques, fut exposé sur une haute estrade tricolore où la foule se pressa avant son inhumation au milieu de l’ancien jardin du
couvent. Le chemin entre la chapelle et la sépulture étant trop court, David avait organisé tout un parcours partant de la rue des Cordeliers, passant par la rue Dauphine puis par le Pont-Neuf d’où l’on tira le canon,
puis revenant par le Pont aux Changes et par le Théâtre-Français de l’Odéon. Au-delà de sa mort, l’Ami du Peuple continua à veiller sur les débats révolutionnaires ou tout du moins une partie,
son cœur ayant été déposé dans une urne suspendue à la voûte de la salle des Cordeliers. La salle tout comme le monastère disparut avec l’édification de l’Ecole de Médecine.
Ne subsistent plus que le réfectoire compètement rénové et la baignoire de Marat,
que l’on peut voir aujourd’hui au Musée Grévin.
Cour de Rohan
Traversons le boulevard Saint-Germain et prenons en face la rue de l’Eperon et à gauche l’étroite et calme rue du Jardinet, désormais une impasse depuis que la cour de Rohan, en réalité
une succession de trois cours, est désormais fermée au public. Au XVème siècle, elle faisait partie d'une propriété que possédait le cardinal de Rouen, d'où son nom.
Il n’y a pas encore si
longtemps, on avait accès à cette bulle du passé qui reliait la rue du Jardinet au passage du Commerce. Aujourd’hui, de derrière la grille de la rue du Jardinet, il ne nous reste que la possibilité d’entrevoir
la première cour et à l’arrière, la haute et élégante façade de briques et de pierres qui surplombe la deuxième cour.
Lors de ma dernière promenade, la providence m’a sourit sous les traits d’une heureuse habitante des lieux qui m’a permis d’entrer dans les cours désormais fermées au public.
Quelques curiosités : dans la première cour, caché dans un renfoncement derrière les pots de fleurs, un très vieux puits avec sa margelle à caniveau et sa poulie ; dans la seconde cour, un pas de mule, seul vestige à Paris de ce trépied en fer forgé qui permettait autrefois de descendre plus aisément de cheval.
Viennent en curieuse surimpression les photos d’Atget montrant avec une certaine poésie l’humble décor aux vieilles pierres noircies par le temps et la vision contemporaine de ces lieux très discrètement luxueux et presque conservés dans leur jus. C’est un coin de paradis, comme Diane de Poitiers l’a peut-être connu quand, dit-on, elle y recevait Henri II, une parenthèse de pierres et de végétation bien à l’abri du bruit et de la fureur touristique que connait désormais le passage du Commerce.
Passage du Commerce Saint-André
On accède à la cour du Commerce par le boulevard Saint-Germain au n° 130 la cour du Commerce. Avant le percement du boulevard Saint-Germain, le passage s’ouvrait directement sur la rue des Cordeliers
par un vaste porche cintré qui donnait accès à la maison qu’habitait Danton, à peu près là où se dresse aujourd’hui la statue du révolutionnaire. Tout le coin est d’ailleurs marqué
par cette époque : Au n°8, la boutique servait d’imprimerie à Marat pour la publication de son journal l’Ami du Peuple. En face, au n°9, le bon docteur Guillotin perfectionnait le prototype de la
guillotine sur quelques ovins.
Pour l’académicien Jean Clair, le tableau Passage du Commerce Saint-André, peint par Balthus en 1952, évoque clairement la guillotine, malgré le calme apparent de la scène
de rue où l’on voit le peintre lui-même, en voisin, de dos avec une baguette de pain faisant face à la boutique du n°8. Au-delà d’évoquer à première vue les différents âges
de la vie, le tableau suggère la mort et la guillotine par de multiples détails ; l’enseigne de la boutique évoque le serrurier qui fournit en 1792 la première lame de guillotine ; au centre du tableau, le petit
chien blanc à la tête inclinée rappelle l’agneau sur lequel fut expérimentée la guillotine qu'évoque la petite forme carrée à l’avant de la devanture ; Au mileu de la boutique, la forme
longue et étroite encadrée de rouge rappelle clairement aussi la guillotine.
Aujourd’hui le passage est encombré par les multiples terrasses de restaurants où se pressent de nombreux touristes.
Toutefois, il faut noter la présence du café Procope, fondé en 1684, dont l’arrière donne sur
le passage. Le Club des Cordeliers se réunissait dans ses salons et c’est ici que le bonnet phrygien fut arboré pour la première fois. Avant d’être un haut lieu de la Révolution, il fut aussi celui de nombreuses
rencontres littéraires. Créé par Francesco Procopio, un garçon de café d’origine sicilienne qui travaillait dans un café à la foire Saint-Germain, le café Procope devint rapidement un café
littéraire très fréquenté. Voltaire et Rousseau y prirent leurs habitudes, Diderot y aurait écrit des articles de l’Encyclopédie.
Le cadre est très sympathique pour y faire une pause et vous
pourrez y voir de nombreux objets de curiosité comme un bicorne ayant appartenu à Napoléon, des documents de la période révolutionnaire, la table de Voltaire, … et vous aurez peut-être la possibilité
d’être attablé à la place où certaines personnalités avaient leurs habitudes …
Sortons du passage de la Cour de Commerce-Saint-André par la sortie qui donne sur la rue de l’Ancienne Comédie.
Rue de l'Ancienne Comédie
Nous passons devant la devanture du Procope, moins pittoresque qu’à l’arrière mais surmontée d’un beau balcon de fer. En face, dans la cour du vieil hôtel au n°14, se trouvait la salle du Théâtre-Français qui a donné son nom à la rue. Les Comédiens du Roi y donnèrent leurs représentations jusqu’à leur transfert au théâtre de l’Odéon.
Prenons la rue de Buci, très animée avec ses nombreux commerces et restaurants, par laquelle nous rejoignons la rue de Seine à droite.
Rue de Seine
La proximité de l’Institut et de l’Ecole des Beaux-arts marque encore la rue de Seine spécialisée dans le commerce de l’art et du livre.
Nous dépassons le triangle que
fait la rue avec celle de l’Echaudé qui doit son nom à une pâtisserie de forme triangulaire et dont l’appellation vient de la technique de sa préparation: L’échaudé est un biscuit découpé
en triangles dans une pâte assez dure souvent aromatisée.
Devant nous, le bistrot La Palette, classé a conservé ses fresques Art Déco. Très branché, il est aussi fréquenté
par de nombreuses personnalités.
Au n° 30, la devanture rappelle qu’avant d’être une galerie d'art, la boutique était celle d’une charcuterie. Bon exemple de ce qu'est la gentrification, la disparition
des commerces dans les rues de Paris et aussi, je n'y résiste pas, support cocasse pour un mauvais jeu de mots sur le fait que c'est toujours d'lart.
Au n°26, à l’angle de la rue Visconti, les grilles et l'enseigne du Petit Maure ont été conservées.
Prenons la rue Jacques Callot pour rejoindre la rue Mazarine.
Rue Jacques Callot
Le passage du Pont-Neuf, construit en 1823 et démoli pour faire place à la rue Jacques Callot percée en 1912, était un des rares passages couverts créés sur la rive gauche. En effet,
la plupart des passages couverts ont été construits sur la rive droite.
Ce passage reliait la rue de Seine à la rue Guénégaud qui elle-même mène au Pont-Neuf, d’où son nom.
Sombre et triste, il aurait été complètement oublié sans les traces laissées par Atget et par Zola qui y situe le décor de son roman Thérèse Raquin:
« Au bout de la rue
Guénégaud, lorsqu’on vient des quais, on trouve le passage du Pont-Neuf, une sorte de corridor étroit et sombre qui va de la rue Mazarine à la rue de Seine. Ce passage a trente pas de long et deux de large, au plus ;
il est pavé de dalles jaunâtres, usées, descellées, suant toujours une humidité âcre ; le vitrage qui le couvre, coupé à angle droit, est noir de crasse. »
Rue Mazarine
Sur notre gauche au débouché de la rue qui doit son nom au Cardinal Mazarin se profile l’arrière de l’Institut de France. Par testament, Mazarin avait légué une
partie de son immense fortune à Louis XIV pour faire édifier un collège voué à l’éducation de jeunes nobles issus de provinces nouvellement réunies à la France (Artois, Alsace, Pignerol dans le
Piémont et Catalogne (Roussillon et Cerdagne).
La rue Mazarine, riche en galeries, librairies et commerces d’antiquités perpétue également le souvenir de nombreuses personnalités. Ainsi au n°12, le jeune
Molière loua un jeu de paume pour y installer son Illustre Théâtre.
Au n°28, deux habitants célèbres y vécurent: Champollion qui découvrit en 1822 la signification des hiéroglyphes et le peintre
Horace Vernet, célèbre notamment pour ses tableaux de batailles.
Rue Christine
Dans cette rue si élégante de nos jours, il est bien difficile de deviner où pouvait se situer la boucherie chevaline photographiée par Atget …
On peut rêver par contre à se demander si la brasserie que l'on peut voir sur une autre photo d'Atget prise en 1911 est celle où Apollinaire aurait écrit à peu près à la même époque son poème-conversation Lundi rue Christine, qui sonne comme une suite de phrases saisies au vol :
Le chat noir traverse la brasserie
Ces crêpes étaient exquises
La fontaine coule
Robe noire comme ses ongles
C’est complètement impossible
Voici monsieur
La bague en malachite
Le sol est semé de sciure
Alors c’est vrai
La serveuse rousse a été enlevée par un libraire
…
Calligrammes – Lundi rue Christine - Apollinaire
Tournons à gauche dans la rue des Grands-Augustins pour prendre à droite la rue de Savoie, qui nous mène à la rue Séguier.
Rue Séguier
Au 16ème siècle, la rue portait le nom rabelaisien de rue Pavée-d’Andouilles.
Aujourd’hui, elle porte plus sérieusement, tout à l’image des nombreux hôtels
qui la bordent, le nom plus classe du baron Séguier, premier président à la Cour d’Appel de Paris qui habitait au n°16.
C’est aussi une rue très littéraire, s’il en est :
- au 8, le
tourmenté Henri Michaux y expérimentait les effets de la mescaline;
- au 18, Albert Camus vécut dans un appartement de la famille Gallimard; c'est avec l'éditeur Michel Gallimard qu'il eut ce mortel accident
de voiture.
Tournons à gauche dans la rue Saint-André-des-Arts.
Rue Saint-André-des-Arts
Nous passons devant l’hôtel Duchesne que Maurice Leloir, peintre oublié et illustrateur prolifique de nombreux livres avait choisi pour son tableau très vivant et coloré La dernière visite de Voltaire. Plus que Voltaire, invisible au fond de sa voiture entourée par les badauds, c’est le balcon que l’on remarque.
Quittons la rue Saint-André-des-Arts et tournons dans la rue au nom si poétique de Gît-le-Cœur.
Rue Gît-le-Coeur
Ce nom si enchanteur qui m’évoquerait plutôt le tombeau d’un preux chevalier est en réalité la déformation du nom d’un cuisinier nommé Gilles Queux ou Gui le Queux.
Cette rue est bien connue des cinéphiles pour son cinéma Art et Essai le Saint-André-des-Arts, au n°12. A cette adresse habita, dit-on, la belle Gabrielle d’Estrées, grand amour du roi Henri IV.
Plus
loin au n° 4, bien dans la tradition du métier du Livre omniprésent dans cet arrondissement, une maison où habitèrent plusieurs libraires, dont l’auteur en 1810 du Manuel du libraire et de l’amateur de
livres, Jacques Charles Brunet; C’est aujourd’hui le siège du syndicat national de la librairie ancienne et moderne créé en 1914 qui organise chaque année le salon international du livre rare au Grand Palais.
Tournons à droite dans la rue de l’Hirondelle.
Rue de l'Hirondelle
Ces noms si poétiques de Gît-le-Cœur et de l’Hirondelle m’évoquent des images à la Peynet. Cette rue étroite et déserte, un peu à
l’écart n’était-elle pas parfaite pour abriter des amours comme celles de François 1er et de sa maîtresse la belle duchesse d’Etampes dont la liaison dura vingt ans jusqu’à la mort
du roi. Dans son roman Ascanio, Alexandre Dumas l’a décrite comme très belle, mais aussi sous les traits d’une traîtresse avide et influente poursuivant de sa haine l’artiste Benvenuto Cellini et Diane de Poitiers.
C’est au n°20 que s’élevait jadis la demeure royale, dite de la Salamandre, l’emblème de François 1er. La maison actuelle du 18ème siècle a conservé cet emblème
en souvenir.
Au bout de la rue, montons les quelques marches et passons la grille pour déboucher place Saint-Michel, où la fontaine de Davioud est un lieu de rendez-vous traditionnel du Quartier latin. Dirigeons-nous à droite vers la place Saint-André-des-Arts.
Place Saint-André-des-Arts
La place fort animée n’a plus rien du charme tranquille et désuet telle qu’elle était au temps d’ Atget. Depuis quelques années cependant, les nombreux tags quelque peu
agressifs qui nous faisaient presque regretter les immenses affiches publicitaires d’autrefois ont été remplacés par une douce fresque murale de Catherine Feff. Bien qu’obstinément bordée par la lèpre des
tags, elle présente par une ombre portée des platanes une vue reposante. Quant à la boutique du cordonnier, elle a fait place à l’inévitable boutique de souvenirs.
Eloignons-nous pour rejoindre la rue Hautefeuille.
Rue Hautefeuille
L’hôtel à tourelle au coin de la petite impasse Hautefeuille fut habité au XVIème siècle par le capitaine Godin de Sainte-Croix, amant de la sinistre marquise de Brinvilliers à qui il enseigna l’art des poisons. La marquise, peu scrupuleuse et n’ayant pas le sens de la famille mit à profit ses nouvelles connaissances en toxicologie en mettant fin aux jours de son père, sa sœur et ses deux frères. Son mari, à raison soupçonneux, préféra s’éloigner d’elle et se retira sur ses terres. Sainte-Croix, soupçonneux lui aussi à plus forte raison, enferma les preuves des meurtres commis par sa maîtresse dans une cassette, au cas où il mourrait avant elle … Ce qui advint, mais malgré sa mort toute naturelle, le contenu de sa cassette fut inventorié par la police. Le scandale éclata, l’affaire des Poisons secoua toute la Cour de Louis XIV et la Brinvilliers en fuite fut finalement retrouvée par les hommes de Colbert et de Louvois. Après avoir été soumise à la torture, elle fut décapitée et brulée en place de Grève.
« Enfin c’en est fait, la Brinvilliers est en l’air : son pauvre petit corps a été jeté, après l’exécution, dans un fort grand feu, et les
cendres au vent ; de sorte que nous la respirerons, et par la communication des petits esprits, il nous prendra quelque humeur empoisonnante, dont nous serons tout étonnés. … »
Lettre de Madame de Sévigné
à Madame de Grignan – 17 Juillet 1676
Tournons à droite dans la rue Serpente.
Rue Serpente
La proximité de certaines rues entre elles peut amener des rapprochements étonnants. Ainsi, la rue Serpente qui donne dans la rue Hautefeuille où ont vécu la Brinvilliers et son amant me fait revenir en mémoire ces vers écrits par Baudelaire qui auraient si bien convenus à la maléfique marquise …
À te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton.
Le Serpent qui danse – Baudelaire
Tous droits réservés - Année 2018 - Auteur texte et photos Paris d'aujourd'hui : Martine Combes
Roseline Périot
Très belle promenade dans ces quartiers pleins de charme… Excellent support qui invite à la flanerie.